Il était une fois une paysanne qui se promenant dans la forêt découvrit un jeune aiglon… 
Ne voyant pas ses parents et pensant le petit abandonné, celle-ci le ramena chez elle et le plaça dans la basse-cour. Les jours qui suivirent, elle apprit au petit aigle à manger le grain des poulets, et finalement, à se comporter comme eux.

Un jour, une naturaliste passa devant la maison. Elle vit la basse-cour et demanda à la propriétaire comment cet oiseau, un aigle royal, pouvait être enfermé avec les poulets !

– Puisque je l’ai nourri comme un poulet, et dressé à être un poulet, il n’a jamais appris à voler, répliqua la propriétaire. Il se comporte comme un poulet… Il n’est donc plus un aigle !

– Pourtant, insistait la naturaliste, il a un cœur d’aigle ! Il peut surement apprendre à voler ! 

Après en avoir longuement discutés, les deux femmes se mirent d’accord pour essayer de découvrir si cela était possible. La naturaliste prit doucement l’aigle dans ses bras et lui dit : « Tu appartiens au ciel, et non à la terre. Déploie tes ailes, et vole ! »

Mais l’aigle était troublé… Il hésitait sur sa vraie nature et, voyant manger les poulets, il les rejoignit d’un bond…

Le lendemain, sans se décourager, la naturaliste emporta l’aigle sur le toit de la maison, et l’exhorta à nouveau : « Tu es un aigle ! Déploie tes ailes et vole ! ». Mais l’aigle avait peur à la fois du monde, et de sa propre identité qu’il ne reconnaissait pas… Il glissa sur le toit et descendit encore manger avec les poulets.

Le troisième jour, la naturaliste se leva tôt. Elle emmena l’aigle sur une haute montagne. Là, elle tint l’oiseau royal au-dessus de sa tête, et l’encouragea une nouvelle fois : « Tu es un aigle… Tu appartiens au ciel, aussi bien qu’à la terre. A présent, déploie tes ailes et vole… ».

L’aigle regarda autour de lui, vers la basse-cour, puis vers le ciel… Il ne volait toujours pas. La naturaliste l’éleva alors vers le ciel et l’aigle se mit à trembler. Doucement… Il déploya ses ailes… 

Avec un cri de triomphe, il s’éleva enfin vers les cieux !

Peut-être l’aigle se souvient-il encore avec nostalgie des poulets… Peut-être revient-il parfois visiter la basse-cour… Mais pour autant qu’on le sache, il n’est jamais retourné à sa vie d’avant… C’était un aigle, même s’il avait été apprivoisé comme un poulet..!