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En Inde et dans la mythologie jaïne, il est dit que celui qui parvient à devenir l’empereur du Monde entier s’appelle un Chakravartin

C’était le moyen d’éviter les bagarres et des violences inutiles : l’empereur sur un chariot doré, tirés par des chevaux forts, se déplaçait d’un royaume à l’autre. Si l’autre royaume ne lui résistait pas et laissait passer le chariot, cela signifiait que le royaume acceptait que le propriétaire de celui-ci lui soit supérieur. Il n’était pas nécessaire de se battre. Et le chariot se déplaçait. 
Là où les gens refusaient sa venue, une guerre avait lieu. Sinon, la supériorité du roi était reconnue, sans guerres, et il devenait un Chakravartin – celui dont la roue (chakra) était passée et que personne n’avait été capable d’arrêter. 

Devenir un Chakravartin était le désir de tous les rois. Il fallait un immense pouvoir et une certitude absolue pour cela.

Un homme devint un jour Chakravartin.
Au moment de sa mort sur Terre, il fut
 accueilli au ciel avec de grandes réjouissances car c’est un être très rare, qui n’apparait que tous les mille ans..! 

Dans la mythologie jaïne, il existe au paradis, une montagne semblable à l’Himalaya, appelée Sumeru ; qui signifie la montagne ultime. Il n’y a pas plus haut que cette montagne et elle est en or pur. Au lieu des rochers, on y trouve des pierres précieuses. Et lorsqu’un Chakravartin décède, on le conduit au Mont Sumeru pour y graver son nom !  

C’est une occasion rare, et bien entendu cet homme était extrêmement excité à l’idée d’aller pouvoir écrire son nom sur cette montagne sainte. Il allait pouvoir rejoindre le catalogue des plus grands de ce monde, passés et à venir. Le gardien de la montagne lui donna les instruments pour graver son nom.

Au moment de son décès, certains de ses proches s’étaient suicidés, ne pouvant pas s’imaginer pouvoir vivre sans lui : sa femme, son premier ministre, son commandant en chef, tous les grands qui se trouvaient autour de lui s’étaient donné la mort et étaient donc venus avec lui dans ce lieu si spécial. 

L’empereur voulait que le gardien les laisse tous venir pour le voir graver son nom. Quelle joie y aurait-il à aller graver seul son nom sans personne pour le voir ?!

Le gardien lui dit alors : « Ecoutez mon conseil, car c’est une profession que j’ai reçu en héritage. Mon père était gardien, son père était gardien. Pendant des siècles, nous avons été les gardiens de la montagne. Ecoutez mon conseil : ne les prenez pas avec vous, sinon vous vous en repentirez. »

L’empereur ne comprit pas, mais ne pouvait pas ignorer ce conseil : quel intérêt avait ce gardien à pouvoir l’en empêcher ?

Le gardien lui dit encore : « si vous voulez toujours qu’ils voient, allez d’abord graver votre nom, puis revenez les chercher, si vous en avez envie. Même maintenant, je n’ai aucune objection à ce que vous les emmeniez. Mais si vous décidez de changer d’avis, alors ce ne sera plus possible, ils seront avec vous… Allez-y seul… »

C’était un conseil parfaitement sain. L’empereur accepta : « Très bien. J’irai graver mon nom seul et je reviendrai et vous appellerai tous. » Le gardien répondit : « Je suis parfaitement en accord avec cela. »

L’empereur partit et vit enfin le Sumeru briller sous mille soleils. Pendant un moment, il ne parvint même pas à ouvrir les yeux, tant il était ébloui ! 

Puis il se mit à la recherche d’un espace, le bon espace pour graver son nom, mais devint vite très perplexe.

Il n’y avait aucun espace : toute la montagne était couverte de noms ! Il ne pouvait en croire ses yeux ! Pour la première fois, il prit conscience de ce qu’il était…
Jusqu’à présent, il avait pensé qu’il était un surhomme… Mais le temps existe depuis l’éternité ! Des milliers d’années ne changent rien… Il y avait déjà eu bien des Chakravartins avant lui. Il ne restait plus d’espace sur la plus grande montagne de l’Univers, où il aurait pu écrire son petit nom..!

Il revint et à présent, il comprit pourquoi le gardien lui avait conseillé de ne pas emmener sa femme et ses amis proches. Il valait mieux qu’ils ne voient pas la situation. Ils pouvaient encore croire que leur empereur était un être rare. Il prit le gardien à part et lui dit : « Mais il n’y a plus d’espace ! ».

Le gardien lui répondit : 

 – C’est ce que je vous disais. Ce qu’il faut faire, c’est effacer quelques noms pour y écrire le vôtre. C’est ce qui a toujours été fait. Toute ma vie, je l’ai vu faire. Mon père le disait. Mon grand père le disait aussi. Personne n’a vu le Sumeru vide ou avec un espace. Jamais… 
Quand un Chakravartin arrivait, il devait effacer quelques noms pour écrire le sien. La liste des Chakravartins est donc incomplète. Elle a été effacée bien des fois. Elle a été gravée bien des fois…
Faites simplement votre travail, et puis si vous le voulez le montrer à vos amis, emmenez-les. 

 – Non, répondit l’empereur, je ne veux pas le leur montrer et je ne veux même plus écrire mon nom. A quoi bon ? Un jour, quelqu’un viendra l’effacer…
Ma vie a perdu tout son sens. C’était pour ça que j’ai vécu, pour ça que j’ai risqué ma vie, pour ça que j’étais prêt à tuer le monde entier… Et n’importe qui pourra effacer mon nom pour écrire le sien. A quoi bon l’écrire ? Je ne l’écrirai pas. 

Le gardien se mit à rire. L’empereur s’exclama : « pourquoi riez-vous ? »

Le gardien lui répondit : « c’est étrange. Cela aussi, je l’ai entendu dire par mes ancêtres : quand les Chakravartins arrivent et qu’ils voient toute l’histoire, ils s’en retournent. Ils n’écrivent pas leurs noms. Ce n’est pas nouveau : quiconque a un peu d’intelligence en fera de même ! »

Qu’emporterons-nous réellement à notre mort… Notre nom ? Notre ego ?…  Cherchons dès à présent en nous, les clés pour simplement « être ».

Contes du Monde – Inde – Mythologie Jaïne

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